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La voie de l’accommodement raisonnable face à l’augmentation des demandes de travail à domicile

Tandis que les employeurs demandent de plus en plus souvent à leurs employés de retourner au bureau après une longue période de pandémie au cours de laquelle beaucoup ont profité de la commodité du télétravail, les milieux de travail voient une augmentation du nombre de demandes d’accommodements pour le travail à domicile. Comment naviguer à travers ces demandes est une question à laquelle font face d’innombrables organisations, et qui a constitué la base d’un échange éclairant.

illustration of a house and a person being plucked out through the window by a large hand attached to the arm in a business jacket

Tandis que les employeurs demandent de plus en plus souvent à leurs employés de retourner au bureau après une longue période de pandémie au cours de laquelle beaucoup ont profité de la commodité du télétravail, les milieux de travail voient une augmentation du nombre de demandes d’accommodements pour le travail à domicile. Comment naviguer à travers ces demandes — pour déterminer ce qui est juste, raisonnable, soutenable et légal — est une question à laquelle font face d’innombrables organisations, et qui a constitué la base d’un échange éclairant lors de la mise à jour annuelle de l’ABO sur les droits de la personne.

La prérogative de l’employeur

S’il y a seulement cinq ans, les trajets quotidiens entre le domicile et le milieu de travail étaient si routiniers qu’ils ne méritaient pas qu’on en parle, la culture, la capacité et l’acceptation du télétravail ont tellement évolué que l’idée de rester assis dans un bureau huit heures par jour, cinq jours par semaine, est aujourd’hui difficilement concevable. C’est pourquoi certains employés remettent en question la nécessité de leur retour au bureau, en plus du fait qu’ils peuvent offrir pour preuve des années d’efficacité en télétravail. Mais, comme le fait remarquer Melanie McNaught, associée du cabinet Filion Wakely Thorup Angeletti s.r.l., c’est à l’employeur qu’il revient de prendre cette décision.

« L’employeur doit décider si le télétravail est autorisé et, dans l’affirmative, quelle proportion, à quelle fréquence et pour quels postes », explique Me McNaught. Elle reconnaît qu’il peut y avoir des réactions négatives, mais affirme qu’il s’agit néanmoins d’une « prérogative de la direction de décider où les employés effectuent leur travail, sous réserve des dispositions d’une convention collective ou d’un contrat de travail. »

Créer une politique, la faire connaître et l’appliquer de manière cohérente

Les employeurs ont besoin d’une « justification positive » bien pensée qui, selon Me McNaught, doit être exposée dans une politique écrite qui précise également les circonstances dans lesquelles un employé peut ou ne peut pas travailler à domicile, avec des détails comme le nombre de jours par semaine, et les responsabilités éventuelles en matière de fourniture d’équipement.

Une fois que l’employeur a élaboré cette politique, il doit la rendre publique afin que le personnel en connaisse le contenu, puis l’appliquer — de manière cohérente. Me McNaught prévient que si les employeurs n’adoptent pas une approche cohérente pour cette mise en œuvre — en laissant plutôt certains employés décider s’ils veulent travailler à domicile — lorsqu’ils recevront une demande d’accommodement médical qu’ils ne pensent pas pouvoir satisfaire, ils se retrouveront en difficulté lorsqu’ils devront répondre du fait qu’ils ont permis à « untel » de travailler à domicile.

Lorsqu’ils évaluent la possibilité d’une discrimination constructive ou par effet préjudiciable, les employeurs doivent procéder à l’analyse Meyer et s’assurer que la politique de présence au bureau a été adoptée dans un but ou un objectif rationnellement lié à la fonction exercée, qu’elle a été adoptée de bonne foi et qu’elle est raisonnablement nécessaire pour atteindre le but ou l’objectif, de sorte qu’un accommodement entraînerait une contrainte excessive. C’est dans la dernière partie, dit Me McNaught, que « se situe la bataille ». Mais si l’augmentation spectaculaire des demandes d’accommodement de télétravail pour des raisons médicales est assez récente, la loi qui permet de les traiter, nous rappelle Me McNaught, n’est pas nouvelle. Les employeurs devraient déjà avoir mis en place une procédure — comme l’exige la LAPHO — pour évaluer les demandes d’accommodements, et les employeurs devraient les examiner comme ils le feraient pour n’importe quelle autre demande : en évaluant les circonstances, les exigences et les restrictions au cas par cas.

Des preuves médicales axées sur les restrictions et les limitations, et non sur le diagnostic

Me McNaught explique aux employeurs qu’ils ne doivent pas chercher à connaître un diagnostic lorsqu’ils envisagent des aménagements fondés sur des preuves médicales, mais plutôt à comprendre « la nature des restrictions et des limitations liées à l’état de santé, et la durée prévue de ces restrictions et limitations. » Ce qui peut être accommodé à court terme peut ne pas être viable à long terme. Ainsi, si un simple billet d’un médecin indiquant que l’employé doit travailler à domicile peut suffire lorsqu’il ne s’agit que d’un jour ou deux d’absence du lieu de travail, pour les demandes portant sur des périodes plus longues, les employeurs sont généralement en droit d’exiger des informations plus détaillées.

« Il arrive que les médecins fassent une recommandation d’accommodement, explique Me McNaught, mais ce n’est pas au médecin de déterminer l’accommodement : c’est à l’employeur de le faire. »

La mise en place d’aménagements est un processus auquel les deux parties doivent participer, les employés fournissant des informations médicales et les employeurs concevant des aménagements appropriés.

« Il est également important de se rappeler que l’employé a droit à un accommodement raisonnable, mais pas nécessairement à l’aménagement qu’il préfère ou à l’aménagement parfait », précise Me McNaught.

Les accommodements raisonnables ne sont pas nécessairement des aménagements préférés ou parfaits

Représentant le point de vue des employés, Melanie Sutton, associée chez Nelligan Law, est d’accord avec Me McNaught pour dire que les accommodements raisonnables ne doivent pas nécessairement être parfaits et qu’un aménagement en matière de droits de la personne n’est pas une question de commodité ou de préférence — ce qui peut entraîner des tensions lorsqu’un salarié qui a bénéficié d’un aménagement de son lieu de travail pour des raisons médicales se heurte au ressentiment de ses collègues qui souhaiteraient travailler à domicile. « Ce n’est pas parce que d’autres employés ne sont pas satisfaits qu’un employé bénéficie d’un aménagement particulier que cet aménagement n’est pas approprié, précise Me Sutton. Il incombe à l’employeur d’atténuer cette perception sur le lieu de travail. »

Elle reconnaît également que les employés ne doivent pas fournir à leur employeur un diagnostic, mais plutôt suffisamment d’informations sur leurs capacités fonctionnelles et leurs limitations — et « ce qui, dans l’environnement de travail, les empêche d’accomplir leurs tâches au mieux de leurs capacités » — pour déterminer le type d’accommodement dont ils ont besoin. Sont-ils sensibles à un éclairage ou à des sons particuliers ? L’ergonomie de l’espace de travail constitue-t-elle une charge excessive ? Existe-t-il des problèmes de mobilité qui limitent l’accès à l’espace ou sa traversée ? Les preuves médicales doivent fournir des paramètres plutôt qu’une déclaration générale d’un médecin disant « cet employé doit travailler à domicile ».

Le renversement du fardeau de la preuve sur l’obligation de travailler au bureau ?

Là où l’avis de Me Sutton diffère légèrement de celui de Me McNaught, c’est que, d’après son expérience, le lien rationnel entre l’exigence de travail au bureau et l’exécution des tâches essentielles n’est pas toujours simple.

En fait, dit-elle, « nous assistons presque à un renversement du fardeau de la preuve, les employeurs demandant à l’employé de justifier pourquoi le travail à domicile est le seul accommodement possible et que le fait de venir au bureau constituerait une contrainte excessive pour l’employé, plutôt que de demander à l’employeur de démontrer que ce serait une contrainte excessive que d’autoriser l’employé à travailler à domicile. »

Pour illustrer ce renversement du fardeau de la preuve, Me Sutton présente un scénario dans lequel un employé immunodéprimé ou souffrant de sensibilités sensorielles se voit proposer un aménagement lui permettant de travailler seul dans un bureau sans fenêtre, à l’écart des autres employés, et d’assister à des réunions à l’aide de la visioconférence. Techniquement, cela fonctionnerait, mais comme le fait remarquer Me Sutton, cela soulève la question suivante : « Pourquoi l’employé a-t-il besoin d’être au bureau s’il va essentiellement travailler dans un placard toute la journée ? » Pendant ce temps, l’employeur demande à l’employé de justifier pourquoi il ne peut pas travailler dans un placard. La question devrait en fait être : « Pourquoi est-ce le seul accommodement proposé, alors que le travail à domicile n’impose aucun fardeau à l’employeur ? »

Ces circonstances démontrent, une fois de plus, pourquoi il est si important que les deux parties s’engagent dans le processus, une fois que l’employé a fourni des preuves médicales, explique Me McNaught. « L’employeur doit se pencher un peu sur la question… pour trouver des solutions. »

Présomptions, entêtement et autres erreurs courantes

En réponse à une question de la modératrice de la séance, Nicole Biros-Bolton, fondatrice de Bird Bolt Law, sur les erreurs courantes concernant les demandes d’aménagement du télétravail, Me Sutton explique que les employés supposent souvent à tort qu’ils ont le droit de travailler à distance simplement parce qu’ils le font depuis un certain temps et ne reconnaissent pas que l’employeur a généralement le droit d’exiger qu’ils se rendent au bureau. Elle voit également des situations où les employés n’obtiennent pas les bons documents médicaux — des documents qui se concentrent sur des limitations et des restrictions précises — et, au lieu de cela, obtiennent une note médicale générale du genre « besoin de travailler à domicile ».

De même, selon Me McNaught, les employeurs peuvent développer un état d’esprit tenace en exigeant de leurs employés qu’ils viennent au bureau simplement parce qu’ils le peuvent. « J’encourage vraiment les employeurs à garder l’esprit ouvert, à prendre en compte les preuves médicales qu’ils reçoivent et à suivre la procédure, dit-elle. Je pense que si vous suivez la procédure et que vous engagez un dialogue constructif avec l’employé, même si vous ne parvenez pas à trouver une solution, vous serez mieux loti dans le litige qui s’ensuivra. »

Alors que le « lieu » de travail continue d’évoluer rapidement, les conseils en matière d’accommodements, comme le résume Me Biros-Bolton, sont toujours d’actualité : « Tout le monde doit faire ses devoirs et travailler en collaboration. »