Comment les preuves issues des médias sociaux ont changé la salle d’audience
Les médias sociaux ont transformé la manière dont les preuves sont recueillies et présentées dans les salles d’audience, introduisant des empreintes numériques qui jouent désormais un rôle central dans différents domaines juridiques. Cette évolution vers la preuve virtuelle soulève des questions cruciales sur l’authenticité, la confidentialité et la recevabilité, tout en continuant à façonner la manière dont les causes sont jugées et décidées.

L’évolution de la preuve à l’ère numérique
Près de 79 % des Canadiens sont des utilisateurs actifs des médias sociaux, ce qui fait des plateformes comme Facebook, Instagram et Twitter une mine d’or pour les professionnels du droit. Les médias sociaux ont transformé la manière dont les preuves sont recueillies et présentées dans les salles d’audience, introduisant des empreintes numériques qui jouent désormais un rôle central dans différents domaines juridiques. Cette évolution vers la preuve virtuelle soulève des questions cruciales sur l’authenticité, la confidentialité et la recevabilité, particulièrement dans les tribunaux canadiens. Avec la dépendance croissante à l’égard de ces interactions en ligne, les médias sociaux ont indéniablement façonné la manière dont les causes, du droit des lésions corporelles au droit de la famille, sont jugées et décidées.
Du billet publié à la preuve : les médias sociaux comme preuves au tribunal
Les preuves issues des médias sociaux englobent tout contenu partagé publiquement ou en privé sur les plateformes, comme les messages, les messages privés, les photos, les vidéos et les données de géolocalisation. Dans le cadre juridique, ces documents sont considérés comme des documents électroniques, qui doivent être traités et vérifiés avec soin. Au Canada, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a défini des lignes directrices claires sur la manière dont les communications électroniques, y compris les médias sociaux, peuvent être présentées comme preuves. Qu’il s’agisse d’une publication publique sur Facebook ou d’un message privé sur Instagram, chaque élément doit répondre à des critères précis pour être recevable devant un tribunal.
Un exemple notable de preuves issues des médias sociaux examinées par les tribunaux est Smith c. Jarnell. Dans cette affaire de dommages corporels, le défendeur a demandé l’accès aux comptes de médias sociaux du demandeur, arguant que les messages de celui-ci pourraient contredire les allégations de déficiences physiques et psychologiques résultant d’un accident de la route. Le tribunal a toutefois rejeté la requête, estimant que le défendeur n’avait pas fourni de preuves suffisantes pour démontrer que les médias sociaux du demandeur contenaient des informations pertinentes. La Cour a souligné que le simple fait d’avoir des comptes sur les médias sociaux ne suffit pas à établir la pertinence d’un contenu et qu’il est nécessaire de poser des bases de preuve adéquates avant de pouvoir demander ce contenu. Cette affaire souligne l’importance de comprendre les normes juridiques relatives à l’accès et à la présentation des preuves issues des médias sociaux, illustrant la manière dont les messages sur les médias sociaux doivent être soigneusement examinés et authentifiés avant de pouvoir influencer l’issue d’un procès.
Des défis en matière d’authentification et de recevabilité
L’un des principaux obstacles à l’utilisation des médias sociaux comme éléments de preuve est de prouver leur authenticité. Les tribunaux exigent la preuve que le compte appartient à la personne en question et que les messages n’ont pas été altérés ou modifiés. Cela implique la criminalistique numérique, cruciale pour valider les horodatages, les métadonnées et la paternité de l’œuvre. Le droit canadien, et le droit ontarien en particulier, prévoit des normes strictes pour déterminer si les preuves issues des médias sociaux sont recevables. L’absence d’authentification de ces empreintes numériques peut entraîner le rejet total des preuves.
L’affaire Nemchin c. Green de de la Cour d’appel de l’Ontario constitue un excellent exemple d’exclusion de preuves issues de médias sociaux en raison de problèmes d’authentification. Dans cette affaire de dommages corporels, la défense a tenté de présenter 20 messages Facebook pour contester les affirmations de la demanderesse concernant la gravité de son syndrome de stress post-traumatique. Les publications avaient pour but de montrer que les activités quotidiennes de la demanderesse n’étaient pas aussi affectées par son état de santé qu’elle l’avait déclaré. Toutefois, la juge de première instance a exclu les messages, estimant que la défense ne les avait pas divulgués correctement et que leur introduction tardive aurait porté préjudice à la cause de la demanderesse. La Cour d’appel a confirmé cette décision, soulignant l’importance de l’équité dans la divulgation des preuves et la nécessité pour les preuves issues des médias sociaux de répondre à des normes strictes d’authentification et de procédure. Cette affaire souligne qu’il ne suffit pas de recueillir des preuves sur les médias sociaux — il est essentiel de s’assurer qu’elles sont correctement divulguées et authentifiées pour qu’elles puissent être prises en compte devant un tribunal.
Le ouï-dire et les considérations éthiques dans les preuves issues des médias sociaux
Les messages publiés sur les médias sociaux peuvent également soulever des questions de ouï-dire, en particulier lorsqu’il s’agit de déclarations extrajudiciaires. En droit canadien, le ouï-dire désigne toute déclaration faite en dehors de la salle d’audience, présentée pour prouver la véracité de l’affirmation. Cela pose des problèmes particuliers lorsque le contenu des médias sociaux, en particulier les messages personnels, est présenté comme preuve. Les tribunaux doivent déterminer si ces communications numériques relèvent des exceptions relatives au ouï-dire ou si elles doivent être purement et simplement exclues.
D’un point de vue éthique, les avocats sont confrontés à des décisions difficiles lorsqu’ils traitent des preuves issues des médias sociaux. Les préoccupations en matière de protection de la vie privée sont primordiales — la récupération de messages privés ou de messages supprimés peut porter atteinte aux droits de la personne, en particulier dans les affaires de droit de la famille. Les procédures de divorce, par exemple, s’appuient de plus en plus sur les messages publiés sur les médias sociaux pour mettre en évidence le comportement des conjoints, en utilisant souvent des messages textes ou des publications pour contester les affirmations relatives aux compétences parentales ou à la responsabilité financière. Un article récent publié par CBC met en lumière des cas où des textes et des publications sur les médias sociaux ont été présentés pour exposer des actifs cachés ou réfuter des allégations d’infidélité. Ces pratiques soulèvent d’importantes questions éthiques concernant les violations de la vie privée, et les avocats doivent naviguer dans ces zones grises tout en veillant à ce que la collecte de preuves soit conforme à la fois aux normes juridiques et aux lignes directrices éthiques.
L’investigation électronique : les médias sociaux dans l’enquête préalable
Les médias sociaux jouent un rôle important dans la phase d’enquête préalable au procès, au cours de laquelle les avocats utilisent des outils d’investigation électronique pour découvrir des preuves numériques pertinentes. Ce processus implique non seulement de récupérer les messages, mais aussi de capturer les métadonnées — comme les horodatages et les données de géolocalisation — qui peuvent fournir un contexte au contenu. Les avocats doivent trouver un équilibre entre les enquêtes numériques approfondies et les limites éthiques de la collecte de preuves, en veillant à ne pas violer la vie privée ou à ne pas franchir de limites juridiques.
Dans les tribunaux canadiens, les preuves issues des médias sociaux se sont avérées cruciales pendant la phase préliminaire du procès, en particulier dans les cas de fraude et de préjudice corporel. Dans le volume 43, numéro 3 de la Manitoba Law Journal, Lisa A. Silver décrit des affaires dans lesquelles des profils de médias sociaux ont été utilisés pour découvrir des demandes frauduleuses, comme des personnes demandant des prestations d’invalidité tout en publiant des photos d’elles-mêmes en train de s’adonner à des activités physiquement exigeantes. Les meilleures pratiques suggèrent d’utiliser des outils pour capturer correctement les empreintes numériques dès le début de la phase d’enquête préalable, en veillant à ce que les métadonnées, les horodatages et d’autres détails soient préservés pour authentifier les preuves et éviter les litiges sur leur fiabilité.
En guise de conclusion : l’avenir numérique des preuves en salle d’audience
Les médias sociaux ont révolutionné la manière dont les preuves sont recueillies, présentées et examinées dans les salles d’audience à travers le Canada. Qu’il s’agisse de discréditer des revendications dans des affaires de lésions corporelles ou de jouer un rôle clé dans des procédures de divorce, le contenu des médias sociaux — publications, messages ou photos — sert désormais de preuve vitale dans de nombreux contextes juridiques. Toutefois, il convient d’examiner attentivement ses complexités. Les juristes doivent respecter des normes d’authentification strictes, surmonter des difficultés comme le ouï-dire et rester attentifs aux limites de l’éthique, notamment en matière de protection de la vie privée. Il sera essentiel de trouver un équilibre entre ces exigences juridiques et les progrès technologiques pour préserver l’intégrité des procédures judiciaires. L’avenir de la pratique juridique dépendra sans aucun doute de notre capacité à nous adapter à ce paysage numérique en constante évolution.